Assurance & Libre Prestation de Services

Depuis 2005 (et les modifications intervenues en 2016 & 2018), les États Membres de l'Espace Économique Européen permettent à leurs ressortissants de réaliser des opérations d'assurance sous le régime de la Libre Prestation de Services (LPS).


De quoi s'agit-il ?

Les acteurs participant à la chaîne de distribution d'assurance (c’est-à-dire le Entreprises d'assurance, qu'elles soient de forme Mutualiste, Sociétale ou Paritaire, d'une part, les intermédiaires d'assurance, d'autre part) peuvent réaliser une opération d'assurance dans d'autre(s) pays de l'Espace Économique Européen que leur pays d'implantation d'origine, sans y ouvrir d'Établissement ou de Succursale... c'est à dire en travaillant depuis les bureaux de leur pays d'implantation d'origine.


initialement, la LPS avait été imaginée pour permettre l'accompagnement de Clients dans leur développement hors de leurs pays d'origine, dans les autres pays de l'Espace Économique Européen... et non pas pour développer des activités générales d'assurance propres au pays d'accueil, sur un marché-cible du pays d'accueil auprès d'une Clientèle strictement endogène. Au fil du temps, la pratique s'est largement étendue. 

L'entreprise d'assurance en LPS

L'Entreprise d'assurance qui réalise des opérations d'assurance sous le régime de la Libre Prestation de Services agit sous le le contrôle exclusif de l'Autorité de Supervision de son pays d'origine.

C'est elle qui assume l'entier contrôle de l'Entreprise d'assurance (notamment sur l'Agrément en Branches, la Solvabilité & les Pratiques Commerciales), ainsi que le contrôle activités "sortantes".
L'autorité de contrôle du pays d'accueil n'a qu'un rôle de "spectateur" des activités "entrantes"... ceci dit, elle peut attirer l'attention de l'Autorité du pays d'origine à sur l'éventuelle problématique d'exigences techniques & prudentielles relatives à certains produits d'assurance endémiques.


L'entreprise d'assurance peut distribuer des contrats d'assurance soit sans intermédiaire, soit via un ou plusieurs Courtiers d'assurance (COA)  ou intermédiaire en Assurance Européen (iAE) immatriculés au registre unique tenu par l'Organisme du pays d'accueil.


L'intermédiaire d'assurance en LPS

L'intermédiaire d'assurance qui réalise des opérations d'assurance sous le régime de la Libre Prestation de Services agit sous le seul contrôle de l'Autorité de Supervision de son pays d'origine.

C'est elle qui assume l'entier contrôle de l'Entreprise d'assurance (notamment sur l'inscription au registre unique tenu par l'Organisme habilité & les Pratiques Commerciales), ainsi que le contrôle activités "sortantes" ;
L'autorité de contrôle du pays d'accueil n'a qu'n rôle de "spectateur" des activités "entrantes"... ceci dit, elle peut attirer l'attention de l'Autorité du pays d'origine sur une éventuelle problématique de pratique commerciale. 


L'intermédiaire d'assurance peut distribuer des contrats d'assurance placés auprès d'Entreprises d'assurance intervenant elles aussi dans le pays d'accueil sous le régime de la LPS ou du LE ou auprès d'Entreprises d'assurance locales.


Le Courtier de Proximité & l'assurance en LPS

Le Courtier de Proximité n'a pas de statut légal spécifique : en France c'est un Courtier d'assurance immatriculé au registre unique tenu par l'ORiAS, dans la catégorie COA ou iAE (intermédiaire en Assurance Européen).

Par contre, en raison de son positionnement commercial en contact direct avec le Client, c'est lui qui assume la responsabilité de la formalisation & de la traçabilité des informations préalables à la conclusion d'une opération d'assurance (exactement comme lorsqu'il dristrubue des contrats d'assurance placés auprès d'Entreprises d'assurance Françaises), à savoir les sept documents que sont :

  • le document d'entrée en relation (présentant le Courtier de Proximité)
  • le document de recueil d'informations,
  • le document de présentation de l'opération d'assurance,
    comportant
  • la reformulation des besoins & exigences,
  • la présentation de l'Entreprise d'assurance (ou de chacune d'elles) & les raisons de son(leur) choix*,
  • la présentation reformulée des solutions d'assurances (qu'il s'agisse de formules différentes auprès d'une même - Entreprise d'assurance et/ou de solutions auprès d'Entreprises d'assurance différentes),
  • le document d’information sur le produit d’assurance (DiPA, ou iPiD pour nos amis Anglophiles),
  • le(s) devis d'assurance (futures conditions particulières, conventions spéciales, conditions générales),
  • le document de recommandation & de conseil,
  • l'engagement de services d'intermédiation d'assurance,
  • le document de test de confrontation aux exigences & besoins de l'Acheteur d'assurance,
  • le document de recueil du consentement & de décision de souscription, ou du refus.

* : l'Entreprise d'assurance (qu'elle délivre les garanties elles portant à 100% ,ou en tant qu'Apéritrice), les éventuels Coassureurs (avec l'indication de leur pourcentage de participation) ainsi que les éventuels Assureurs Complémentaires (qui portent les garanties pour lesquelles l'Entreprise d'assurance ne dispose par de l'Agrément en Branches idoine) et, le cas échéant, le placement par l'intermédiaire un Co-Courtier et/ou d'un Courtier-Grossiste (parfois autoproclamé "Agent-Souscripteur", expression à la mode pour évoquer l'étendue de la délégation délivrée par l'Entreprise d'assurance au Courtier-Grossiste)
leur présentation explicite doit alors aussi être incorporée


N.B. : l'acheteur d'assurance doit prêter la plus grande attention à la nature & à la portée des tâches déléguées par l'Entreprise d'assurance à un intermédiaire d'assurance (notamment : qui procède à l'encaissement des cotisations d'assurance, qui instruit le sinistre, qui procède au paiement de l'indemnisation,...), car c'est rarement le Courtier de Proximité qui en dispose.

De plus, lorsqu'il constate un "empilement" d'intermédiaires d'assurance trop important, l'acheteur d'assurance doit se demander si cette "usine à gaz" est bien raisonnable et quel réel niveau de connaissance & maîtrise du risque peut bien avoir L'Entreprise d'assurance... il en va de la pérennité de la garantie.


Comme l'a régulièrement rappelé l'ACPR, pour l'ensemble des situations de retrait du marché ou de défaillance, il va de la responsabilité du Courtier de Proximité qui a distribué des contrats d'assurance placés auprès de telles Entreprises d'assurance, de communiquer avec précision la situation à ses Assurés concernés et de leur fournir les informations leur permettant :

  • d'obtenir la bonne application de leurs contrats à la suite du retrait ou de la défaillance
    (la principale problématique étant la continuité de l'instruction/paiement des sinistres par l'Entreprise d'assurance depuis son pays d'origine, puisqu'elle n'a pas d'Équipier présent dans le pays d'accueil),
  • de connaitre la date précise de cessation des garanties,
  • de mettre en œuvre les mesures à prendre pour leur remplacement.

LPS & protection de l'Assuré

Comme pour toute opération d'assurance, la protection de l'Assuré repose d'abord sur une information préalable claire, décrivant explicitement chacun des participants à la chaîne de distribution d'assurance (cf ci-avant).


Ceci dit, en cas de litige, la démarche sera la suivante

  • réclamation : le Courtier de Proximité met à disposition de ses Clients son service réclamation
  • médiation : si au terme de la démarche de réclamation, aucune solution n'est trouvée, le Courtier de Proximité met à disposition de ses Clients le service médiation délivré par l'Association Professionnelle dont il est adhérent

N.B. : si le litige concerne aussi l'Entreprise d'assurance, celle-ci propose elle aussi, dans son pays d'origine, de ses propres services réclamation & médiation... ce qui pose un problème d'accès à ces services situés à l'étranger

  • procédure en justice commerciale (pour les Acheteurs du secteur privé) ou administrative (pour les Acheteurs du secteur public) : en cas d'échec de la médiation, l'Assuré peut acter en justice... locale pour ce qui est du Courtier de Proximité, et du pays d'origine de l'Entreprise d'assurance ou de l'iAE intervenant sous le régime de la LPS... ce qui pose un réel problème d'accès à la juridiction étrangère. D'où l'intérêt, par exemple, pour l'Acheteur Public, de bien vérifier la nationalité du Candidat ou du Mandataire du Groupement de Candidature (ainsi que de l'Entreprise d'assurance si ce n'est elle le Mandataire du Groupement de Candidature).

Pour mémoire

  • en France, le Courtier de Proximité dispose d'une assurance de responsabilité civile professionnelle d'un montant au moins égal à 1 500 000 € par sinistre & 2 000 000 € par année... montant qui peut très vite s'avérer insuffisant lorsque l'enjeu concerne l'activité professionnelle de l'Acheteur d'assurance ;
  • en cas de défaillance de l'Entreprise d'assurance, il existe en France, pour certains types d'assurance, un fonds de garantie (pour les autres payse de l'Espace Économique Européen, il convient de vérifier dans le pays d'origine s'il existe un tel fonds) :
Libre Prestation de Servicesactivité entrante
sur le territoire de la
République Française
activité sortante
sur le territoire de la
République Française
FGAO
(Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages)
- RC Automobile
- Dommages-Ouvrage
Non
FGAPDS
(Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention,
de diagnostic ou de soins dispensés par les professionnels de santé)
RC MédicaleNon
FGMU
(Fonds de garantie des assurés contre la défaillance des mutuelles
et des unions pratiquant des opérations d’assurance)
NonSous réserve de constitution du fonds
FGAP
(Fonds de garantie des assurés contre la défaillance des sociétés
d’assurance de personnes)
NonOui
FPGiP
(Fonds paritaire de garantie des institutions de prévoyance)
NonOui
(pour connaitre leurs modalités d'intervention : consulter leurs sites internet respectifs)

Les Entreprises d'assurance défaillantes intervenant en France sous le régime de la LPS ont été ENTERPRiSE (juillet 2016, Gibraltar), GABLE (septembre 2016, Liechtenstein), CBL (février 2018, irlande), ALPHA (mars 2018, Danemark), ACASTA (précédemment dénommée FOCUS, juin 2018, Gibraltar), QUDOS (octobre 2018, Dannemark), GEFION (juin 2020, Dannemark). Hors mis pour les risques "RC Automobiles" qui étaient portés par ENTERPRiSE, le FGAO n'est pas intervenu au bénéfice des Assurés lésés par la défaillance de GABLE, CBL, ALPHA, ou par le retrait d'ACASTA, car son domaine d'intervention n'a été étendu qu'en juillet 2018 aux risques de Dommages-Ouvrage.

Même si, sur la période récente, les défaillances ont surtout été du fait d'Entreprises d'assurance non-françaises, l'histoire démontre que la nationalité de l'Entreprise d'assurance n'a absolument rien à voir sa défaillance... 

car ce sont en effet ses pratiques en matières de connaissance & de maîtrise des risques acceptés (dont : pratique habituelle dans son pays d'origine du produit d'assurance distribué dans le pays d'accueil ; délégation de l'instruction des demandes d'assurance, de la tarification, souscription, de l'émission des pièces contractuelles, de l'encaissement des cotisations, du renouvellement tacite, de l'instruction des sinistres, de la mission d'expert, de la détermination de l'indemnisation, du paiement de l'indemnisation,...) ainsi que de provisionnement technique & prudentiel qui ont abouti à ces situations extrêmes.

Ce n'est donc pas le principe même de la LPS qui est à remettre en cause (car c'est en réalité une chance pour le jeu de la libre concurrence & donc pour le dynamisme du marché en permettant aux Assurés de disposer d'un large panel de solutions assurancielles) mais bien les pratiques de certains acteurs.

respect des "règles du jeu"

Même en intervenant en France sous le régime de la LPS, les Entreprises d'assurance doivent respecter les "règles du jeu" applicables à tous sur le territoire de la République Française.

À partir de là, se posent notamment 2 problèmes :

  • L’absence potentielle, dans le pays d’origine de "branche" couvrant à l’identique les branches définies par le Code des Assurances en France (N.B. : les tables de correspondance automatique entre Autorités de Contrôle appliquent le principe du PPCD) ;
  • La présence de particularités techniques imposées en France pour certaines garanties (par exemples : capitalisation attachée au provisionnement technique de garanties des contrats d’assurance de responsabilités ou de dommages liés à la participation aux opérations de construction d’un ouvrage de bâtiment ; formulation de clauses de garanties  ; capitalisation attachée au provisionnement technique de garanties des prestations statutaires ; capitalisation attachée au provisionnement technique de certaines garanties de long terme ou couvrant des risques non-constants d’autres assurances de responsabilités professionnelles  (dont médicales, par exemple) ; cotisation à fonds de garanties ; collecte de contributions spéciales ; collecte des taxes sur les conventions d'assurance) ;

Sur le premier problème, il appartient à l’Entreprise d'assurance de préciser sa demande de Passeport Européen de manière à l’adapter aux particularités du pays d'accueil. Ainsi il pourra justifier des habilitations correspondant aux contrats qu'il y commercialise.

Sur le second problème, il appartient à l’Entreprise d'assurance de prendre les dispositions adéquates & d’en justifier dans la rédaction du contrat d’assurance proposé à son Client. Ainsi le contrat pourra satisfaire aux obligations techniques applicables dans le pays d'accueil.

Dans les deux cas, il appartient au Courtier de Proximité de vérifier ces conformités avant de proposer un contrat d’assurance à ses Clients (c’est un des aspects importants de la responsabilité du Courtier… et donc aussi de L’Auditeur ou Consultant).

Dans cet esprit, lorsque le Courtier de Proximité constate que l'Entreprise d'assurance intervenant sous le régime de la LPS

  • ne pratique pas, dans son pays d'origine, le type de contrat qu'il propose dans le pays d'accueil, 
  • ne réalise que peu (ou pas du tout) de Chiffre d'Affaires dans son pays d'origine et que l'essentiel de son activité est réalisé dans un ou plusieurs des autres pays membres de l'Espace Economique Européen,
  • ne diffuse pas dans la langue du pays d'accueil son rapport Rapport annuel sur la Solvabilité et la Situation Financière (RSSF),
  • a un discours flou sur son approche technique & prudentielle de produits d'assurance endémiques au pays d'accueil,
il doit se demander si cette Entreprise d'assurance 
  • dispose vraiment, en interne, de la connaissance & de la maîtrise des risques qu'elle souscrit dans le pays d'accueil,  
  • a bien pris en compte dans son approche de Solvabilité toutes les particularités techniques & prudentielles propres à ce type de contrat et/ou au marché-cible,
car l'expérience a démontré qu'il s'agit-là de points-clés pour la pérennité des garanties délivrées par les Entreprises d'assurance.

Projet de Loi n° 535

Le Sénat a enregistré le 14/04/2021 un Projet de Loi n° 535 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances comportant.

En son article 35 sont prévues des améliorations du régime de Libre Prestations de Services.

Parmi elles, la création de l'article L321-11-2 du Code des Assurances stipulant notamment :

(...) "L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut informer l’autorité de contrôle de l’État membre d’origine concerné lorsqu’elle a des préoccupations sérieuses et justifiées concernant la protection des consommateurs relatives à l’exercice en France d’activités d’assurance ou de réassurance sous le régime de la libre prestation de service ou du libre établissement par une entreprise agréée dans cet État membre."

La création de l'article L321-11-3, quant à elle, permet notamment de rappeler le périmètre d'intervention des Autorités de Contrôle du secteur de l'assurance :

(...) "chargées notamment de l’examen de leurs situation financière, conditions d’exploitation, solvabilité, liquidité et de leur capacité à tenir à tout moment leurs engagements à l’égard de leurs assurés, adhérents, bénéficiaires et entreprises réassurées.

Ce rappel permet de mettre à nouveau en lumière le rôle primordial de l'ACPR ainsi que de ses homologues des autres pays Membres de l'Espace Économique Européen dans la surveillance des Entreprises d'assurance mais aussi de réassurance.


formation DDA

Le présent article est le résumé du parcours pédagogique de 3 heures que la CNSCRA met à disposition des Équipiers des Membres de notre Syndicat Professionnel.

Il entre dans le catalogue CNSCRA Campus de Formation & Développement Professionnels Continus prévu par les articles L511-2, R512-13-1, A512-8 du Code des Assurances.